Quelque part dans Macaron

[...]  Ses doigts et sa vie sentaient la merde.  Il était triste et il ne devait pas s’apitoyer.  Il fallait faire face. Donner le change.  Penser que les gens heureux faisaient juste semblant de l'être et que les winners avaient simplement eu de la chance, qu'ils n'avaient pas davantage de mérite.  Ne pas croire en Dieu, peut-être tout simplement parce qu'on n'en était pas l'élu.  Se consoler comme on pouvait malgré le constat de la médiocrité de sa propre apparence, donc de son âme.  Surtout essayer de se persuader qu'il n'y était pour rien.  Que d'autres comme les syriens avaient des vies bien plus tragiques.  En arriver à penser qu'il ne devait même pas avoir le droit de se plaindre.  Que sa mélancolie était un luxe terriblement bourgeois et ennuyeux.  Qu'il était donc quelqu'un d'ennuyeux.  S'en vouloir.  Déprimer.  Être triste et puis apercevoir un sourire, un beau ciel du matin, s'interdire d'être triste.  Être triste de se l'être interdit.  Haïr la tristesse.  La tristesse n'était pas élégante.  La tristesse ne faisait pas recette, ne faisait pas succès, ne faisait pas admiration.  La tristesse était un poids mort totalement envahissant et inutile à la fois.  Vue de l'extérieur, elle était à la vie ce que le zéro est à l'addition.  Vu de l'intérieur, elle était à l'âme ce que le zéro est à la multiplication.  Il voulait garder espoir, mais pourtant il se haïssait lui, il haïssait les autres et il haïssait le monde et il ne pouvait rien y faire.  La condamnation implacable du destin.  Les petites voix, fugaces échos des pensées qu'il prêtait à ses amis absents, disaient: "mais t'as qu'à sortir, voir du monde, sourire, merde!  Te sortir les doigts du cul!".  Voir du monde, pourquoi?  Pour se sentir encore moins bien?  Pour courir sus à de l'échec supplémentaire?  Pour regarder directement dans les yeux la méduse des réussites tierces? Pour être jaloux de ce beau mec qui tripotait celle avec qui on aurait bien fini la nuit, jaloux de tel autre doué de répartie comme Macaron ne le serait jamais lui-même et qui sort une vanne toutes les trente secondes qui les fait rire toutes à gorges déployées?  Pour s'avérer incapable de montrer l'intelligence qu'il avait, la vraie, la sincère, la sensible, celle qu'il avait dans les tripes mais que plusieurs murs de protection laissaient bloquée derrière le masque de la timidité?   

"Sors-toi les doigts du cul!". 

"Merde".

Comme s'il en était là...  La sodomie en solitaire!

...

Il en était là.  [...]

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