Pilules jaunes coupées en deux

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

C'est ça l'avantage d'être anonyme et que tout le monde s'en foute on peut se payer le privilège de déverser toute la merde et se plaindre et pleurer comme un gros bébé qui crie mais qu'on ne vient pas nourrir caresser protéger réchauffer consoler il est seul le bébé le gros bébé tout seul il ne dort pas quand il dort il a mal ses nerfs lui font mal son passé aussi et le silence qui reste après le cri envahit tout la fumée noire l'aquarelle de solitude l'injustice vécue par le coffre enterré sur un île perdue un tout petit point jaune dans un océan de noir le coffre il ne sera jamais plus déterré y'en a quelques unes qui ont conjugué les efforts de leurs pelles laisse tomber les filles disait pourtant la chanson alors le coffre il s'en veut il se dit cette simple sagesse de laisser tomber autrefois m'aurait protégé aujourd'hui mais au lieu de ça le coffre il est

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

L’impatience finit par rendre feignant, pourquoi faire puisque le résultat ne viendra pas, ne se montrera pas assez vite alors à quoi bon, quand tant d’énergie a été engagée pour atteindre un but trop lointain, à quoi bon faire encore ?  L’impatience rend feignant, à moins que ce ne soit l’échec, oui, c’est peut-être l’échec qui rend feignant, le manque de pugnacité face à l'échec c’est ça oui, réaliser que le destin ne t’a jamais donné le moindre coup de pouce, dans aucun de tes choix, forcément, ça rend feignant et donc prisonnier

 Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

Plus de rimes à accoler, plus de rimes à racoler, plus de crimes de lèse-majesté, plus de films auxquels t’accrocher, plus de cimes à atteindre, prisonnier de ta philosophie de la vie de la poésie aussi mais croyez-moi l’orgueil rend timide, c’est une certitude, on se voit tellement beau que l’on craint que l’autre déchire cette image, c’est ça la timidité, on n’ose pas se montrer de peur de se dévoiler, on n’ose pas se raconter de peur d’être perçu comme vide, alors on se tait par orgueil on se protège c’est tout on protège le soi et de fait on est perçu exactement comme ce que l’on ne voulait pas, l’orgueil rend timide, je vous le dis et c’est un cercle infernal, ensuite la timidité rend peu sûr de soi, face aux choix on ne sait pas parce qu’on n’est pas sûr parce qu’on a été trop timide car trop orgueilleux, le manque de confiance en soi rend le contact humain impossible, et l’autre devient un obstacle à ton orgueil, et ton orgueil devient un survivant, il survit l’orgueil, comme une pierre inerte au fond d’un lac d’espoirs perdus, il survit mais à présent c’est juste pour se dire j'ai pas eu de bol, à moins que j’aurais dû, j’aurais pu, je n’aurais pas dû emprunter cette voie, ce choix était un mauvais choix, et le choix d’avant aussi, et celui d’avant encore pis, mes choix, ma voie de merde, cette voie je me la suis tracée tout seul en direction d’une prison

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

Et maintenant voilà, la santé s’en mêle, mes plaisirs s’emmêlent, ceux que j’avais étaient délétères, y renoncer ou bien me taire, y renoncer, pour être en bonne santé aussi longtemps que possible, simplement pour dormir, juste dormir sans souffrir, quand je dors sans souffrir j’ai meilleur moral, au lieu du désespoir j’ai la grisaille du brouillard c’est déjà ça, je me fais penser à celle qui écrit pas, qui parle de nuages posés sur le vide, et le vide c’est ma vie d’avant la fin

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

Me voilà déjà vieux, ma fille me le dit, mon miroir aussi, vieux et vain, comme un maillon inutile, comme si finalement j’avais réalisé la prophétie de cette grand’tante qui écrivait à ma mère qu’elle ne savait pas qu’il fallait la féliciter pour ces quelques kilos de chair et d’os venus peupler un monde déjà surpeuplé, c’est ça, la voilà ma sinistre gloire personnelle, à moi tout seul j’ai surpeuplé le monde, j’aurais aimé que ça se passe différemment, j’aurais aimé que mes cris soient entendus, mais bon, faut pas trop en demander, hein, des cris pas jolis personne ne veut les entendre sauf peut-être ceux de Cioran ou de Céline et je ne suis ni l'un ni l'autre, et même quand ces cris sont un peu jolis pour soi ils ne le sont pas pour les autres, pour l’autre, pour cet autre qui n’est qu’un obstacle à mon orgueil, et puis de toute façon à quoi bon crier dans cet océan de bruit planétaire, à quoi bon crier, il aurait fallu rire, il aurait fallu se concentrer sur les trois ou quatre personnes autour de soi qui comptaient vraiment, il aurait fallu arrêter de crier gros bébé, arrêter de crier et renoncer bien plus tôt à ce que je croyais être ma liberté de chercher un bonheur que je ne pouvais pas atteindre, si je n’avais pas passé ma vie à poursuivre en vain une illusoire liberté peut-être qu’aujourd’hui je me sentirais moins prisonnier

 Prisonnier de la vie

Pilule jaunes coupées en deux

Pilules sensées faire dormir, pilules sensées aplanir, c’est vrai qu’elles aplanissent, pour un temps au moins, elles aplanissent les espoirs et les chagrins, elles effacent les hauts et les bas, et quand tu dors elles t’empêchent de te relever, au petit matin, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt alors je te garantis frère que je ne possède rien, je sais pas me lever tôt, j’ai pas envie, rien qu’affronter la souffrance de s’asseoir sur le bord du matelas c’est déjà un calvaire, mais pourquoi bordel, pourquoi ce calvaire qu’est-ce que j’ai fait pour en arriver là, juste des choix qui n’ont jamais rencontré un petit peu de chance, juste une voie de merde, et pourquoi celle-là, j’avais pourtant bien des raisons de les faire tous ces choix de merde, les uns après les autres, on est maître de son destin crois-moi frère on est le seul responsable de ce qui nous arrive, moi j’ai vu un panneau indicateur en bois planté au beau milieu du chemin qui disait la prison c’est par là alors je l’ai suivi

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux

Maintenant que tu as lu ça choisis-moi choisis-moi s'il te plaît débusque le trésor enfoui déterre l'or s'il te plaît mon orgueil me le dit il y a de l'or en moi, viens le chercher et le trouver et tu auras l'or du bonheur qui attend de l'espoir qui se dit que les choix jusque là c'était pas ça mais que peut-être un infime sursaut d'énergie quelque part qui provoquerait un coup de pouce enfin un éclair de génie du ciel qui se dirait c'est pas possible pas normal pas rationnel qu'un type comme ça en soit là où il est allez on va l'aider et hop un ptit miracle un-e autre qui n'a pas froid aux yeux qui sait lire derrière le noir et voir derrière le jaune cherche autre chose que toute cette connerie ambiante qui n'attend que ça un type qui se servirait du couteau pour éplucher les pommes et pas couper des pilules bref libérer le prisonnier

Prisonnier de la vie

Pilules jaunes coupées en deux 

 Etc...

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