00 - Macaron (Préface - Prologue - Début du ch.1)
Préface
Musiques écoutées pendant l’écriture de ce livre (cliquez sur les liens hypertexte du roman pour une illustration musicale):
L’intégrale d’Archive
Wagner
Pink Floyd
Mozart
Queen
Beethoven
Dire Straits
Grieg
Depeche Mode
Mahler
Bjork
Bruckner
Sigur Ros
Bizet
Intergalactic Lovers
Bernstein
Samizingforthemoon
Brel
Hakk
Noir Désir
Unkle
Les prières du vendredi à Agadir
Supertuflu
Arvo Part
Les conversations des habitués du Paradox
The Cure
U2
Estas Tonne
Ramin Djawadi
Tash Sultana
Giant Rooks
Beatsteaks
Hair (the musical)
Beatles
Etc
Etc
Etc
…
Pour vous situer l’histoire,
Nous sommes en deuxième semaine du tour de France. A la mi-course. Warren Barguil vient de remporter une étape dans les Pyrénées. Romain Bardet est troisième au classement général. A vingt-trois secondes de Chris Froome.
Dans trente minutes, je dois être arrivé au restaurant indien où j’ai réservé une place solitaire pour ce soir. J’ai faim et j’ai fumé. Avec mon genou un peu en vrac, faire du vélo s’avère difficile, d’autant que je ne dois pas me perdre.
Dans vingt-quatre heures, je serai encore là, errant parmi l’innombrable multitude des spermatozoïdes de la Terre entière réunis ici pour humer un peu le parfum libertaire de cette métropole.
Dans deux jours, je quitte la ville sublime, avenir de l’Humanité, reine d’entre les reines dans son écrin salé du Nord.
Dans trois jours, c’est l’avant-dernière saison de Game of Thrones qui démarre. Et plus une seule plateforme de téléchargement ne fonctionne. Je devrai contacter Jouvan pour qu’il me donne la solution. Ou au pire, m’abonner à OCS, on leur doit bien ça... Mais non, il est encore un peu tôt. OCS, ce sera pour dans quatre ou cinq ans.
Dans cinq jours, j’irai à la mer avec mes enfants du côté de Biville et je jouerai aux billes avec Lucie.
Dans sept jours, nous arrivons en Bretagne.
Dans dix jours, peut-être, enfin, un successeur à Hinault et Fignon.
Dans onze jours, Kate et Christelle seront là.
Dans un mois, je serai toujours en Bretagne avec Julia et les enfants, à quelques jours de la fin des vacances.
Dans environ deux mois, le comité international olympique va annoncer laquelle de Los Angeles ou Paris, toutes deux candidates retenues pour organiser les J.O. de 2024 et 2028, commencera la première. Ce sera probablement Paris. Emmanuel Macron est notre président depuis peu, Jupiter est dans une configuration idéale, plein sud-est en début de nuit.
Dans quatre mois, nous fêtons les 40 ans de la femme que j’ai rencontrée à quelques encablures d’ici, Ô mon pèlerinage, Ô ma Toi ! Tous les gens qu’on aime seront présents, et nous serons chez des gens qu’on aime.
Dans six mois, janvier et son petit colis de cheveux blancs.
Dans un an, la France fêtera peut-être la victoire de sa deuxième coupe du Monde et moi, Kate, Philou, et tous mes frères et sœurs de France en leurs grades et qualités, oui, nous dedans, emportés par la foule !
Dans un an et demi, Tu me désireras sans doute un peu davantage qu’aujourd’hui, après avoir vu ton homme fondre lentement mais sûrement.
Dans deux ans, peut-être enfin Séverine m’écrira-t-elle à nouveau…
Dans trois ans, maximum, je le jure...
Dans cinq ans, officiellement, l’extermination définitive de tous les partisans de Daesh.
Dans sept ans, Séverine et moi nous nous revoyons entre amis. Mais j’ai chopé un cancer du poumon heureusement détecté de façon précoce. Je pourrai me soigner à condition de cesser définitivement le fumage de toutes les herbes à pipe. Condamné aux spacecakes… Nous assistons en famille à la cérémonie d’ouverture des jeux de 2024 au Stade de France. Pendant ce temps-là, un fils plus raisonnable que son père, intelligent et profondément beau comme sa mère, Gabriel, étudie la bio-géologie, l’ingéniérie, et se passionne pour l’astronomie.
Dans le monde interconnecté et pacifique, confronté à des flux migratoires massifs, les salafistes n’attirent plus d’adeptes.
Dans dix ans, le grand chambardement de la mondialisation positive de l’Islam, quand les musulmans, horrifiés par les horreurs de la guerre et du terrorisme, conduiront enfin leurs nations vers la modernité du Monde, celui-ci artiste comme jamais.
Dans quinze ans, nous deux, ici, quelque part dans l’Ouest d’Amsterdam, dans un coffee miteux tenu par des basanés d’origine indétectable, mais accueillants et serviables en diable.
Dans vingt ans, je ne suis plus là (si je continue à ce rythme !). Mais je veux être là pour le mariage de Lucie, alors gardons espoir :-)
Dans vingt-cinq ans, commandée par Thomas PESQUET, une expédition se lancera pour Mars. Avec Gabriel comme équipier pour ses compétences de médecin, de romancier philosophe et humaniste, d’ingénieur informatique et d’astrophysicien. Lucie, jeune mère, est diplômée des Beaux Arts et historienne de l’art, spécialisée dans les architectures de l’époque romantique et du début du XXe siècle. Elle travaille au Conservatoire Continental des Bâtiments du Patrimoine Européen.
Elle est une pro du surf.
Prologue
Il avait su être gai comme on porte le smoking, mais à force d’usure et de déchirures, le tissu du costume s’était élimé. Les trous s’étaient agrandis peu à peu pour devenir béants. Et en dessous, le tricot de peau de son aigreur se révélait chaque jour davantage.
…
Lui, c’était Macaron.
…
Il allait prendre un coup de soleil.
Chapitre 1
La vieillesse
Etat de savoir
Qu’on n’aura pas le temps
De tout faire
Le crépuscule, quelque part en région proche de la capitale, dans une forêt qui borde deux autoroutes. Les phares des voitures s’avancent au loin, au ralenti, du moins est-ce l’effet pâle et lointain que cela produit à travers les troncs d’arbres aux pieds envahis de filaments de brume bleue... C’est comme si on voyait les voitures depuis un avion : elles semblent presqu’immobiles. Leurs conducteurs transis rentrent d’un week-end prolongé quelque part en province, gigantesque corps vibrant de milliers de familles fatiguées, serpent noir et blanc démesuré qui roule avec la faim d’aller plus vite et qui n’en finit pas de passer en rampant lentement dans les creux des collines…
Il fait froid.
L’horloge d’un dimanche égrène péniblement sa course vers la mort, et les pas de papa marquent les secondes, tandis que le petit garçon est juché sur ses épaules. « On va rentrer, mon bonhomme », lui dit-il, s’apercevant qu’il est temps et qu’il commence à faire sombre. Le problème est qu’il n’est pas passé par un chemin, mais à travers les bois, les fougères, les ronces, pour arriver ici. Il n’y a aucun chemin à proximité.
Cependant, la brume s’épaissit dans la forêt. Tout est peu à peu entouré de coton gris, opaque, absorbant les sons proches, ceux qui viennent d’en bas, et réverbérant les sons lointains, ceux qui viennent d’en-haut, comme ce cri d’effraie, par exemple, ou les craquements d’écorce... Le taux d’humidité de l’air a soudainement changé et les corps et les vêtements du petit garçon et de son père sont moites, froids. Le tout mignon petit prince a envie de faire pipi. Il crispe ses jambes autour du cou de son père, qui lui dit : « Fais attention bonhomme, là tu fais mal à papa ». Alors il tâche de desserrer l’étreinte, et de se retenir comme il peut. Mais ça lui donne mal au bas du ventre. Il se penche en avant, et pose ses petites mains toutes froides sur la tête de son père, et vient poser sa tête par-dessus, pour essayer de dormir. Le petit pompon du bonnet de laine tapote le front de Papa. On ne voit plus les phares des voitures, mais le son fantomatique de leurs moteurs s’est lui-même mué en une nappe de brouillard digne de Faith (The Cure).
Après quelques secondes d’immobilité ouatée, papa tourne brusquement les épaules en manquant de déséquilibrer son fils. Il décide de repartir dans la direction opposée.
Avançant dans la grisaille, faisant craquer mille branches, progressant, pourtant, à pas de loup à travers les voiles grises nébuleuses, épaisses comme les voiles de lin des trois-mâts d’antan, il perd rapidement le sens de l’orientation… Combien de temps cela dure-t-il ? Papa n’en a aucune idée, il tâche de retrouver un chemin qu’il aurait dû croiser depuis longtemps. « Les autoroutes étaient situées au nord et à l’ouest de la forêt, si j’en crois mes souvenirs de la carte » songe-t-il, et son fils perçoit l’écho de cette pensée s’éloigner trop vite vers le brouillard. Quand on est encore presque un bébé, on ressent ces choses. « A priori, nous leur tournons plus ou moins le dos. Donc nous nous dirigeons vers le sud-est. Mais rien n’est moins sûr… » Le temps de prendre sa réflexion, suspendant ainsi le verbe, Papa s’aperçoit soudain qu’il s’est exprimé à voix haute. Il entend son fils gémir brièvement, puis tenter de se relever, pas longtemps. Tout le corps du petit garçon dodeline, Papa avance avec beaucoup de précaution. Pour se donner du courage, sentant encore la tête de son fils se tourner d’un côté ou de l’autre, sentant qu’il a froid, il le prend dans ses bras et le petit garçon s’éveille à nouveau sans bien comprendre comment il se fait que le visage de son père s’est brusquement rapproché de lui. Mais papa pleure, il ne comprend pas.
« Oh, mon amour, tu es tout pâlichon, viens-là que papa t’embrasse mon petit cœur ».
Papa le serre fort, fort dans ses bras, mais pleure à larmes redoublées, il se met à crier de chagrin et de colère « Mais putain de bordel de merde qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour être aussi con ! Pourquoi j’ai pas pris cette putain de boussole, purée, mais c’est pas vrai !!! ».
Papa est triste ou en colère, ou les deux. Le gamin ne sait pas comment réagir. Il dit « Papa, envie faire pipi… » mais il sait bien que c’est trop tard et que son pantalon est trempé. Avant il y avait les couches, c’était plus facile…
Bizarrement, cela semble calmer Papa. Il lui sourit : « bien sûr, mon garçon, bien sûr, viens je vais t’aider… »
… puis, constatant qu’il est trop tard, il attrape les épaules de son fils et lui dit en souriant : « Quelle aventure ! Au moins, tu t’en souviendras, hein ? Tu sauras, maintenant, ce que ça fait, de perdre le nord, d’être déboussolé.
Papa est fatigué, on a marché plus longtemps que prévu, c’est uniquement ma faute, toi tu n’y es pour rien si ce n’est d’être un petit lutin adorable.
Allez, je vais te sécher comme je peux. »
Ayant procédé, papa se tourne vers son fils et lui dit : « bon, maintenant, toi, tu restes là. Je vais chercher un chemin, mais pour cela j’ai besoin d’aller vite. Je serai revenu dans cinq minutes, promis. » Il lui fait un gros bisou sur la joue. Sa barbe pique un peu. « Tu ne bouges pas. Tu m’écoutes marcher alentour. Quand tu veux savoir où je suis, tu m’appelles, OK ? Je reviens te chercher dans moins de cinq minutes, dès que j’aurai trouvé un sentier. Sois sage et n’aie pas peur, c’est rien que du brouillard dans une forêt. OK ?
OK fiston ? »
Le petit garçon opine tout doucement du chef, puis un peu plus vite.
Papa se relève, lui tourne le dos, et disparaît rapidement dans la brume.
« Je reviens dans 5 minutes !
Papa !
Oui mon fils ?
Papa ?
Oui !
Papa !
T’inquiète mon fiston, ça va pas durer longtemps !
Papa !
J'ai trouvé ma boussole
C'est le ciel entier
C'est lui qui me console
Qui me dit d'avancer
Papa !
J'ai trouvé ma boussole
Mon cœur de vérité …
***
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