Quelque part plus tôt dans Macaron (août 2019)
"Tu sais, ma chérie, lui dit-il en implorant, j'aimerais tellement laisser quelques poèmes à la postérité humaine, au moins pendant quelque temps... Les enfants sont plus grands, à présent, ils ont l'âge de comprendre..."
Estelle resta silencieuse mais sut adopter cet air de réflexion auquel on ne coupait pas la parole.
"- De comprendre quoi? Que tu les abandonnes?
- Non, je ne les abandonne pas! Je ne les abandonnerai jamais. Et tu le sais.
- Alors quoi? De comprendre que papa n'aime plus maman?
- Non plus, voyons... N'importe quoi! Je t'aime encore Estelle, de tout mon cœur, autant que je peux...
- Alors quoi?"
Macaron réfléchit.
"- De comprendre que papa aime toujours maman, mais qu'il est amoureux d'une autre femme qui l'aime aussi très fort.
- Une sale pute, ouais. Une salope de première. Qui ne pense qu'à son petit cul. Totalement irresponsable! PUTAIN!
- Tu as le droit de le penser.
- Une fille à qui j'avais confié des secrets intimes... elle s'en est servi contre moi! Et toi tu ne penses qu'à ta bite, putain de merde. C'est comme si je baisais ton frère!!!"
Quand la conversation tournait ainsi, Macaron préférait se contenter d'une présence physique aussi câline que possible. Il laissait éructer son épouse pendant des petites heures. Il laissait le volcan s'épancher de toute sa bave de lave jusqu'à ce que cette lave rencontrât l'eau du silence et du calme, et la force des bras de son mari. Soudain, elle soupirait et se calmait; l'orage était passé. La lave se solidifiait en pierre brute.
Macaron reprit son raisonnement:
"Ils ont aussi le droit de comprendre que Papa a besoin de vivre de grandes histoires d'amour parce qu'il est poète à ses heures... Que c'est devenu sa raison de vivre. Ecrire et aimer. Et fumer aussi, ils vont bien finir par le comprendre un de ces quatre printemps prochains...
- Mais alors là, bravo Garcin!!!
- Quoi?
- Quel modèle de père pour ses enfants!
- Mes enfants ont l'âge où devenir grands les fait changer de statut dans mon exercice paternel.
- (après un long silence) Mouaaaaaais, et donc?
- Et donc voilà, il y a les trois fameuses étapes de l'autorité d'un père sur son fils. Avant dix ans, fais en sorte qu'il te craigne sans lui faire pour autant violence; avant vingt ans, fais en sorte qu'il te respecte tout en le respectant; après vingt ans, fais en sorte d'être son ami.
- Raphaël a treize ans! Il n'a pas à partager tes secrets comme un ami! Et Dany en a bientôt huit! Tu crois que tu affirmes ton autorité quand tu te mets à voir une autre femme sous les yeux de ta fille?
- Oui, j'affirme ma vision du Monde. Celle de l'amour infini et tolérant. C'est ça, les vraies valeurs chrétiennes, et pas toutes les bigoteries que tes copines t'ont enfoncé dans le crâne!
- En tout cas Garcin, c'est décidé. Je te quitte. Enfin plutôt non, c'est toi qui nous quittes. Emballe tes frusques et dégage jusqu'à ce que j'ai digéré cette putain de trahison. J'ai été trahie par mon meilleur ami, bordel! ... ... ... Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?"
Et puis le tonnerre se mit à gronder dans le ciel de cette fin de mois d'août.
Estelle fondit en sanglots en répétant lentement sa lugubre litanie: "mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça? ... ... ... Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?"... ... ...
Autrefois, Macaron avait cyniquement écrit d'elle: "Toujours égale à elle-même, comme un ciel gris qui ne veut pas pleuvoir..."
Estelle se mettait à pleuvoir de tristesse, et Macaron, pourtant si heureux de son amour avec Inès, pourtant, tendait ses paupières closes vers le rideau de pluie et y mêlait par moments ses propres larmes.
C'était la fin, redoutée, pressentie dès le début peut-être?, provoquée, déclenchée involontairement comme une attaque nucléaire de Guerre Froide...
Macaron ne voulut jamais s'y résoudre, et pourtant, ils divorcèrent. Ce fut le jour le plus malheureux de son existence...
Le Soleil attendit, et il attendit longtemps avant d'entrer en scène.
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