03 - Macaron (début du chapitre 3)

 

Il n’est pas du genre violent.

Il est encore moins du genre violeur. 

Comme tout looser (c’est ce qu’il pense) qui se respecte.

Il est plutôt du genre à ne pas savoir exprimer ses émotions devant une femme.  Et il a beau en avoir conscience, rien ny fait, cela durera toute la vie. 

Toute une vie passée, sous couvert de réserve, de dignité, de bienséance, de retenue, de courtoisie, de pudeur (autant de produits dérivés de l'obsession sexuelle), à regarder en biais, à se tordre l’œil au point que son visage en a été déformé peu à peu.   Le nez sest allongé vers le bas, il a forci et rougi par la sape progressive et invisible de tous les apéros accumulés dans son existence, les ridules se sont marquées au coin des paupières, la prognathie du menton s’est accentuée, les vertèbres cervicales grincent désormais d'un bruissement sablonneux.

Des dérivatifs, du silence, et des regards en biais.

Pas de main qui frôle, de bouche qui suggère, de paroles qui séduisent.

Pas de bras qui s'allonge derrière une épaule, au sommet du canapé.  Pas de jambes décroisées, pas de pied égaré sous la table.  Pas de cuisse en ligne de mire directe.  Pas de sifflets flatteurs.

Aucun risque d'être un jour accusé de harcèlement sexuel, et c’est presque dommage pour lui.

Paralysé par la peur d'une gifle ou même simplement d'un regard noir, voire pire: d'un regard moqueur, il a pris l'habitude d'enterrer ses désirs au plus profond lui-même, de les recouvrir d'une épaisse couche de boue opaque, et s’est peu à peu composé des visages de simplicité, de naturel, de type du genre pas intéressé pour de vrai.  Le genre l'air de rien.  Le genre bof, bof, tout ça n'est pas bien grave.  Le genre mais au fait, de quoi parle-t-on.  S'il y avait un film intitulé "Larry Pépère à l'Ecole des Frustrés", il jouerait à coup sûr le professeur de contrôle du regard.

Pas du genre violent, pas du genre violeur.  Il est devenu du genre voyeur.

Seules, jusqu’ici, deux femmes ont su percer ces armures idiotes et se sont affranchies des codes standards, se sont amusées de cette timidité maladive qu'elles ont tenue sincèrement pour de la pudeur - ce qui séduisait leur attrait pour les hommes qui se démarquent.

Estelle fut la première.  Un anneau d'or du souvenir repose désormais bien gentiment dans la table de chevet d’une maison qui fut autrefois son foyer.  Dans le quotidien conjugal, Macaron a rapidement tombé les masques et ce gros malentendu a fini par assécher totalement le fleuve d'amour de leurs débuts.

Inès, séduite par cette allure de rien, cet air embroussaillé, a été la seconde.

***

Il suffit que quelqu'un ait pitié d'une âme pour que le corps qui l'héberge rayonne soudain d'une beauté nouvelle.  Et Macaron, en dépit de toutes ses préventions, de toutes ses craintes, de toute l'incongruité de cette fascination qu'il exerçait sur la jeune femme, avait fini par céder et se sentait, effectivement, à nouveau, rayonner.

Alors, enfin, vint le moment, sous l’émergence de Capella dans le ciel de l’est, où l’heure était venue pour Inès de présenter sa thèse devant une savante assemblée dont elle ignorait la composition en détail, bien que Macaron lui eût suggéré maintes fois les noms probables de ceux dont dépendrait son diplôme de doctoresse ès lettres.  Son avocat lui avait obtenu sans difficulté une permission pour trois jours, et, équipée d’un bracelet électronique, elle avait pris une chambre d’hôtel à proximité immédiate de l’université.

Macaron s’était levé de bonne humeur, chez lui, ce matin-là. 

Il avait sauté sous la douche en sifflotant.  Il avait en tête le gigantesque amphithéâtre de bois de l’Université, avec Inès en plein milieu, tout en bas, centre tout-puissant de tous les regards tournés vers elle comme des rayons cosmiques conquis par elle, étoile à frotons.

Il attrapa en hâte ses vêtements éparpillés, jeta à bas pyjama et robe de chambre de père Noël, et se vêtit en quatrième vitesse. Il enfila une chemise et un pantalon repassés la veille au soir par ses soins.

Une fois un solide petit déjeuner englouti, fait de galettes de sarrasin fromage/œufs/bacon, il alluma son smartphone pour vérifier le mél d’invitation à la thèse d’Inès et essayer les fonctionnalités d’appareil photo en mode panoramique, qui n’étaient pas installées par défaut, et comme il n’était pas coutumier de cet usage, alors il fallait télécharger une application sur l’App Store.  App Store qui, précisément, faisait des promos sur des applications « boussole » de type professionnel, avec tout un couteau suisse de fonctionnalités dédiées (vision thermique, vision radar, mode randonnée, mode déplacement en mer, cartes et éphémérides astronomiques, navigation GPS…).  Elle coûtait un peu cher (une quarantaine d’euros) mais son smartphone était compatible et Macaron finit par craquer et l’acquérir.

Il avait quand même rapidement estimé le trajet qui le séparait de l’Université et le temps de se garer.  Partir une demi-heure avant, vers 8h45, donc.

Nonobstant.

Ô, incommunicabilité.  Ô, train-train quotidien.  Ô, partage tellement rôdé des tâches auxquelles le couple fait quotidiennement face qu’il induit, ensuite, mille petites incompréhensions qui virent aux tracas sapeurs !  Le mariage, c’est bien connu, est l’art de ne pas résoudre à deux les problèmes qu’on ne se pose pas quand on est célibataire.

Estelle devait justement accompagner Danderyd chez le dentiste, chez qui elle avait pris rendez-vous à 8h45, et dont le cabinet était situé à trente minutes de la maison, lui aussi, mais pas dans la même direction que la fac.  Dans le sens opposé, en fait.  Elle n’en avait pas parlé à Garcin.  Pour quoi faire ?  Garcin ne quittait pas la maison d’habitude.  Il profitait usuellement du lundi pour corriger des copies, préparer ses cours, trier ses documents administratifs, assurer sa correspondance professionnelle.  Il avait juste prévu d’inventer un prétexte quelconque pour prendre la voiture, mais il avait complètement oublié qu’Estelle pourrait aussi en avoir besoin, ce qui justement était le cas !  C’est pourquoi lorsque, au cours du petit-déjeuner, Estelle dit à son époux « bon, on te laisse débarrasser, il est bientôt huit heures et quart, il faut qu’on y aille… », celui-ci, surpris, bredouilla :

-           Mais, tu ne prends pas ton café ?  Et vous allez où ?  Et qui ?

-           J’emmène Danderyd chez le dentiste ».  Elle ne put s’empêcher de préciser d’un ton blasé qu’elle lui en avait parlé la semaine dernière (ce qui était entièrement faux, mais on a les satisfactions qu’on peut).

« Je prendrai mon café en revenant…   Danderyd, va te brosser les dents ma chérie, on y va bientôt. »

La puce obtempéra sans broncher.  « OK, bon, je te prépare quand même une tasse alors, en attendant que la petite se lave les dents ? (Macaron préparait toujours le café du matin.  Un de ces petits trucs qu’ont les maris pour se donner l’illusion qu’ils contribuent aux tâches ménagères.  D’autant plus risible que cela consiste à mettre du café en dosettes dans un percolateur, une ou deux tasses en-dessous, de l’eau dans un réservoir en plastique, et à appuyer sur un bouton…)

 

-           Non, vraiment pas la peine, tu sais, on ne sera peut-être pas de retour avant 10h.  Bouchardier traîne toujours un peu… »

 

Macaron pesta grandement en lui-même, tout en s’efforçant de ne rien laisser paraître.  « Pas avant 10h ! » songea-t-il.  « Merde, à cette heure-là, Inès aura commencé depuis longtemps… ».

 

***

Contrairement à Macaron, Inès avait mal dormi.  Envahie de trac, elle avait ressassé mille arguments, objections, réfutations, s’imaginant des juges tous plus cultivés qu’elle, Heugoff en tête, sorte d’abominable homme des neiges qui trouverait les moindres failles dans son travail, impitoyable, rusé, malveillant comme un serpent.   Mais le serpent était en elle.  Elle traversa la nuit en passant d’un premier cauchemar où aucun des membres de la faculté n’était ni surpris, ni séduit, mais où tous se montraient hostiles en diable dans leur gestuelle, affectant l’ennui et la désapprobation, à un second cauchemar où elle se perdait dans le dédale des couloirs de l’université, jusqu’aux sous-sols grouillants d’humidité et de bêtes obscures, sans jamais parvenir à rejoindre la salle d’audience, son bracelet électronique bipant de plus en plus fort et lui enserrant la main jusqu’à couper la circulation sanguine.

Elle se réveilla avec cette impression qu’on a parfois d’être resté couché des heures sans avoir pris une seule minute de repos.  La brume, d’abord.  Où suis-je ?  Où vais-je ?   Le poignet qui portait le bracelet était quelque peu endolori. 

Mais fort heureusement, deux tasses de bon café pour arroser un petit déjeuner plus royal qu’à l’accoutumée, le repos accumulé par son long séjour en prison, et une douche méditative permirent de vite effacer les angoisses de la nuit ; après avoir reposé sa petite cuillère et la coque vide d’un kiwi frais, elle envoya un SMS à Macaron vers 8h10 pour lui souhaiter un tendre bonjour et lui demander s’il avait bien dormi, il répondit que oui sans s’enquérir de son sommeil à elle, tout en lui affirmant « pas dinquiétude, vous êtes prête ! » en ajoutant un émoji en forme de pouce levé et un autre avec un bisou-cœur. 

Il lui avait fallu être rapide et discret.  Et attentif, aussi, parce qu’au même moment, Estelle lui parlait.

Elle lui piquait la voiture, trahison intime dont seul le mariage a le secret !  Elle prenait la bagnole, putain.

Il n’était pas coutumier des impatiences, dans la vie routinière qu’ils s’étaient construite à deux, alors un signe de nervosité pourrait être perçu et enclencherait immédiatement une enquête impitoyable.

Saluant son épouse et sa fille par des sourires amicaux, il se dirigea vers la cuisine pour vaquer aux tâches ménagères, pressé qu’elles s’en aillent, à la fois pour qu’il puisse souffler et digérer la contrariété, mais aussi pour qu’elles y arrivent le plus tôt possible, chez ce foutu dentiste !  Puis, se retrouvant tout seul, et tout en débarrassant, nettoyant, rangeant mécaniquement la vaisselle et la cuisine, il se mit à calculer :


« Bon, elle est convoquée pour 9h15.  Admettons qu’Inès débute vers 9h30.  Il y a souvent un ou deux jurys en retard, cela fait partie de la mise en scène.  Il n’y a jamais deux doctorants le même jour pour un même champ d’étude.  Et puis les jurys sont comme tout le monde, eux aussi ils se font chier pour se garer.  Sachant que la fac est à trente minutes d’ici, sans compter le temps de trouver une place de parking (parfois dix minutes), je devrais idéalement être parti vers 8h45.  Soit pile au moment du début du RV de Danderyd chez le dentiste.

Donc même si le dentiste prend Danderyd avec, disons, quinze minutes de retard, que l’intervention dure une demi-heure, j’arriverai si j’ai de la chance, une heure quinze après qu’elle aura commencé.  Je vais louper plus de la moitié, mais je la connais par cœur de toute façon, j’ai encore relu toute la thèse il y a moins d’une semaine.  C’est à peu près jouable. 

Donc, j’attends Estelle. »

 

Macaron, satisfait de cette raisonnable décision d’éviter à la fois la transpiration de la bicyclette et la dépense d’un taxi, envoya un SMS à Inès : « désolé, empêchements familiaux imprévus : je vais avoir un peu de retard… :-° ».  A ce moment il était environ huit heures quarante-cinq, Inès était toujours à l’hôtel, elle prenait le temps de se pomponner, de fixer sa concentration dans l’apprêt précis et rigoureusement pensé de sa tenue et de son apparence, avec tout un instinct féminin pour ces choses.  Son téléphone était en mode avion et n’en sortirait plus avant la fin de l’épreuve, alors elle ne répondit pas.  Fort heureusement.  Car Inès, en l’apprenant, l’eût mal pris.  C’eût été un premier tout petit accroc au tissu soyeux de leur amour.  La présence de Garcin l’aurait rassurée, au moins au début, au moment des échanges de politesses préliminaires, qui débouchent invariablement sur le fameux « je vous en prie, vous pouvez commencer madame Frassaxe ».  Elle s’était imaginée le regarder dans les yeux à ce moment, comme pour vider son esprit et entrer en état de grande concentration, pour que son élocution et sa force de conviction soient parfaites auprès du jury.

 

Parallèlement, Estelle envoya à son tour à Macaron un texto rigolo : « merde, que de monde dans la salle d’attente >-o ».

 

Que faire en attendant ?  Toutes les tâches ménagères accomplies, les secondes s’égrenèrent langoureusement à la pendule, qui indiquerait 9h quand il serait sorti des toilettes.  Revenant d’une soirée chez les Jouvan, il se dit qu’après tout cela ne lui ferait pas de mal de se taper un petit joint et de jouer à nouveau avec la boussole.  Et tous ces déboires avaient failli lui faire oublier qu’il devait improviser un premier mensonge pour prendre la voiture sitôt les filles arrivées, puis un second pour justifier de son retour probablement tardif, voire nocturne, voire (il y rêvait depuis quelque temps), au petit matin.

Soupesant les meilleures stratégies, il sortit donc son grinder du tiroir du bureau.  Raphaël était dans sa chambre, le casque de geek collé aux oreilles, les yeux sur son écran d’ordinateur de gamer.  Pas de risque que le fiston vienne rôder pendant qu’il se roulerait son spliff.

Une feuille, un carton pour le filtre, le mélange d’herbes indiennes, et le petit reste d’herbe à pipe de Hollande qu’il avait rapporté de chez son « banquier ».

Alors il songea : « pourquoi ne pas lui dire la vérité ?  Tout simplement que j’ai une étudiante qui passe sa thèse et que je souhaite y assister.  Mais ça ne justifie pas la précipitation de l’aller et le net retard au retour.  Même si elle sait bien que je n’ai que rarement la chance d’exercer mon bénévolat.  C’est une femme, elle détecte. »  Il lui fallait mieux que cela.  Il se dit qu’il pouvait conserver l’excuse de sa thésarde pour le besoin urgent de la voiture.  Mails il allait falloir trouver quelque chose de plus solide pour le retour tardif. 

Et c’est ainsi qu’il médita, échafaudant des stratagèmes de plus en plus sophistiqués à mesure que le pétard faisait de l’effet, jusqu’à ce qu’enfin, la voiture et sa famille furent revenues en un battement de cil.  Ô influence sublime de l’herbe sur l’écoulement du temps !  On pense plus vite, et les minutes passent à la vitesse d’une cascade de montagne.

 

Pendant ce temps, à quelques dizaines de kilomètres de là, Inès commençait toute seule, angoissée soudain qu’il ne soit pas là, craignant quelque chose de grave, mais le jury avait été clair et il fallait se lancer.

« Depuis l'aube de l'humanité, le concept d'amour a toujours été une force motrice puissante dans la littérature et la culture humaines. Cette thèse explore la manière dont l'amour, souvent imbriqué dans une dualité complexe, est représenté et interprété à travers les âges. De l'amour courtois des troubadours médiévaux à la passion destructrice des héros romantiques, chaque époque apporte sa propre vision de ce sentiment universel. En examinant des œuvres allant de la mythologie grecque aux romans contemporains, cette étude met en lumière comment l'amour et sa dualité – entre Eros et Agapé, passion et raison, union et séparation – reflètent les aspirations, les conflits et les transformations des sociétés humaines. Par une analyse détaillée de textes clés et une exploration des contextes historiques et culturels, cette thèse cherche à comprendre, tout d’abord comment l'amour continue de façonner notre compréhension du monde et de nous-mêmes, et ensuite, dans des élans philosophiques et littéraires plus personnels, à tâcher de trouver dans le Grand œuvre du génie humain, une explication et/ou une preuve logique, de la nature ontologique de l’Amour : est-il contingent, ou émergent ? »

Estelle, en rentrant : « y’a un bruit pas normal à la voiture, une sorte de grincement qui se transforme en sifflement à grande vitesse ».    Mais personne n’était là pour lui répondre.

Car à dix heures, ayant changé d’avis en voyant le retard phénoménal d’Estelle et Danderyd, et opté pour le bus, Macaron quittait enfin sa maison. La distance à parcourir n'était pas énorme, environ sept kilomètres à vol d’oiseau, mais le temps était contre lui.  Il courut jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche, mais en arrivant, il vit le bus s'éloigner. "Oh merde, pas ça !" pensa-t-il. Sans perdre une seconde, il commença à courir le long de la rue, espérant attraper un taxi. Cependant, les taxis semblaient être devenus une denrée rare ce matin-là. Il continua à courir, luttant pour reprendre son souffle empesé d’herbe.

Après plusieurs minutes de course effrénée, Macaron aperçut enfin un taxi libre. Il agita frénétiquement la main et le taxi s'arrêta. Il sauta à l'intérieur, haletant, et cria presque l'adresse au chauffeur. "À l'université, vite ! C'est urgent !".  Heureusement qu’il avait acheté des fleurs la veille au soir, méthodiquement planquées dans un coin de son bureau…  Mais le bouquet souffrait des turpitudes de l’itinéraire.

Le chauffeur, un homme d'un certain âge avec une barbe grisonnante, acquiesça calmement et démarra. Macaron regardait anxieusement l'horloge du tableau de bord. 10h15. Le temps semblait s'échapper entre ses doigts.  Malheureusement, la circulation n'était pas de son côté ! Une série de feux rouges, suivie d'un embouteillage causé par des travaux routiers, ralentit considérablement leur avancée. Macaron commençait à désespérer. Le chauffeur tenta de le rassurer : "Ne vous inquiétez pas, on va y arriver."  L’autoradio crépitait de jolies notes de Shiwaree : Goodnight Moon.  On se serait cru dans un film.  Il regardait à travers les vitres du taxi, d’un œil vide et fixé vers l’intérieur de ses pensées.  Mais à mesure que la musique et les paroles rentraient en boucle dans l’esprit occupé de Garcin, le flux de véhicules, dans le sens de la marche comme dans le sens opposé, s’était nettement intensifié.  Finalement, à 10h30, le taxi s'arrêta brusquement. "On est coincé ici, il va falloir continuer à pied", dit le chauffeur, désolé. Macaron paya en hâte, sauta hors du taxi et recommença à courir.

Essoufflé, en nage, il arriva à une station de métro et descendit précipitamment les marches. Par chance, une rame était sur le point de partir. Il se faufila à l'intérieur juste avant que les portes ne se referment. Il respira enfin, essayant de reprendre son souffle. Mais son répit fut de courte durée.

À la station suivante, une annonce retentit : "En raison de travaux, cette rame terminera son service ici. Veuillez descendre et prendre une navette de remplacement." Macaron émit un grognement de frustration en descendant. Il suivit la foule jusqu'à une navette bondée et monta à bord.

Lentement mais sûrement, la navette se fraya un chemin jusqu'à la prochaine station de métro. Macaron regardait sa montre : 11h30. Il lui restait peu de temps. De retour dans le métro, il poussa un soupir de soulagement quand le train partit enfin.

En sortant de la station de métro la plus proche de l'université, déterminé, il reprit sa course. Le bâtiment de l'université était en vue. Il accéléra encore, sentant ses muscles protester contre l'effort.

Il entra en trombe dans l'université, parcourant les couloirs à toute vitesse, et il aperçut la porte d’entrée de l'amphithéâtre au bout du dédale. Il était 11h45.

Après cette péripétie riche d'essoufflements, quand enfin, après s'être tant hâté pour vaincre son abyssal et involontaire retard, Macaron rentra en sueur dans l'amphithéâtre, par la porte du fond (qui grinçait, évidemment…), et qu'il l'aperçut en bas, il vit la même silhouette, exactement, que celle qu'Inès avait dans sa cellule de prison, un an auparavant, lorsqu'il la vit pour la première fois.  Elle lui envoya un minuscule clin d’œil de fée tandis qu’elle continuait.  Par cet imperceptible battement de cils, elle disait tellement de choses !  Elle disait « tout va bien » ; elle disait « bonjour mon amour » ; elle semblait rassurée.  Elle disait « t’as un retard abyssal et finalement je suis morte de rire, c’est pas grave, installe-toi, l’essentiel est que tu sois là, le meilleur est pour la fin! »

Alors rassuré, Macaron se laissa tomber sur une chaise, épuisé mais heureux. Il avait traversé une véritable épopée pour arriver ici, mais cela en valait la peine. Il reprit discrètement son souffle. 

Le

Souffle

Coupé

Du

Couple

Sous

Fées

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